Les intellectuels à l’épreuve de la visibilité. Faire carrière au-delà de l’université (1970-2015)

Boris Attencourt soutiendra sa thèse de sociologie intitulée :

Les intellectuels à l’épreuve de la visibilité. Faire carrière au-delà de l’université (1970-2015)


Le jury sera composé de :

  • Yves GINGRAS, Professeur à l’Université du Québec à Montréal
  • Nicolas HUBÉ, Professeur à l’Université de Lorraine (rapporteur)
  • Frédéric LEBARON, Professeur à l’École normale supérieure Paris-Saclay (ENS Cachan)
  • Gérard MAUGER, Directeur de recherche au CNRS (Président du jury)
  • Dominique MERLLIÉ, Professeur à l’Université de Paris 8 (rapporteur)
  • Delphine NAUDIER, Directrice de recherche au CNRS
  • Louis PINTO, Directeur de recherche au CNRS (directeur de thèse)
  • Christian TOPALOV, Directeur d’études à l’EHESS

Résumé de la thèse

Cette thèse porte sur les circuits par lesquels une fraction des intellectuels deviennent visibles (presse de qualité, revues intellectuelles, cercles de réflexion, lieux de conférences, émissions culturelles de radio et de télévision, maisons d’édition, etc.). Mêlant référence à la culture légitime, accessibilité et action, de tels circuits se sont développés au sortir des années 1970 jusqu’à s’imposer comme l’espace de la valeur publique des idées et de leurs porteurs.

La thèse s’est donc intéressée aux enjeux de la visibilité pour les intellectuels durant la période allant des années 1970 au milieu des années 2010 et montre que les carrières de la reconnaissance externe ne se font pas après ou en dehors de l’université mais bien en même temps. Afin de rendre raison de cette configuration de la notoriété intellectuelle, nous avons eu recours ici à une approche sociohistorique et multiniveaux des circuits de la visibilité où il s’est agi d’appréhender leurs institutions, producteurs et publics. Or, les lieux de conférences savantes à destination d’un large public parce qu’ils occupent une place cardinale au sein des circuits de la visibilité intellectuelle se sont avérés une entrée particulièrement efficace pour en reconstituer empiriquement les filières qui se sont tissées entre les marges de l’université, la haute administration et les médias. Une ethnographie multisite des conférences (N=15) ayant abouti à un vaste corpus d’observations (N=97) a ainsi ouvert la voie à tout un ensemble d’explorations de ces circuits aux échelles micro et macro. À travers des immersions de longue durée et une observation participante ayant permis de collecter un matériau empirique conséquent (observations, entretiens et archives), nous nous sommes attaché à restituer la genèse puis la trajectoire d’institutions exemplaires (Beaubourg, le Collège international de philosophie et l’Université de tous les savoirs). Nous avons mené des entretiens avec les producteurs (N=18) et, en lien avec cette catégorie d’enquêtés, les intermédiaires culturels et leur personnel de renfort (N=9). Dans le registre qualitatif, nous avons également procédé à des analyses de controverses (Billeter / Jullien et Badiou / Finkielkraut). En outre, de nombreux traitements quantitatifs parmi lesquels des analyses factorielles et de réseaux ont été réalisés à partir d’une prosopographie des producteurs répartis entre sciences de la nature (N=64) et sciences humaines et sociales (N=195) suivant un échantillonnage représentatif de conférenciers. Pour ce qui est de la réception, la focale a été placée sur les auditeurs des conférences en diversifiant les méthodes d’investigation : aux observations collectées auprès du public durant toutes les phases des conférences, se sont ajoutés des entretiens (N=27) et plusieurs enquêtes par questionnaire conduites par nos soins au sein du Collège international de philosophie (N=330) et de l’Université de tous les savoirs (N=285, 157 et 183).

Sur la base de ces différentes enquêtes, la thèse rend compte du monopole exercé par ces circuits de célébration culturelle dans l’accès à la notoriété publique des intellectuels ayant conduit à la formation d’un espace hétéronome où le capital social prime sur les espèces autonomes du capital culturel. Dès lors, cet espace et l’élite de l’esprit qui s’y trouve consacrée participent du renouvellement des modes de domination de la classe dominante depuis les années 1980. Si ce travail est un apport à la sociologie des intellectuels et des sciences, à celle des élites et des médias, à celle du goût et de la consommation culturels et aux réflexions méthodologiques autour de l’articulation des niveaux, il voudrait aussi contribuer à l’analyse des formes idéologiques et académiques de doxa intellectuelle.

MOTS-CLÉS : visibilité, sociologie des intellectuels, sociologie des sciences, sociologie du pouvoir, élites, capital social, idéologie, doxa, ethnographie, analyses factorielles, analyses de réseaux, université, médias, conférences, publics, consommation culturelle, réflexivité.