Dévaluations et contestations des savoirs légitimes

Colloque organisé par le Centre Européen de Sociologie et de Science Politique (CESSP)
Université Paris 1 Panthéon Sorbonne – Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales

Le 6-7 septembre 2021, Auditorium 150, Campus Condorcet,

Argument

Les savoirs consacrés et les institutions qui les produisent et les diffusent voient actuellement leur légitimité contestée. Par exemple, dans le domaine de la santé, la médecine dite « conventionnelle » fait l’objet de critiques de la part de mouvements l’accusant de minimiser la dangerosité de ses pratiques (à l’image des mobilisations anti-vaccins) et des partisans d’autres techniques de soin (comme la naturopathie, l’aromathérapie, etc.). Dans le secteur du journalisme, les médias dits « traditionnels » voient la remise en cause de leur partialité décuplée par la multiplication de canaux d’information alternatifs, supports de la diffusion massive de contenus – amateurs comme professionnels – critiques des arènes médiatiques dominantes. Dans la sphère scientifique, certaines disciplines comme les sciences du climat, les études de genre ou la sociologie voient leurs conclusions contestées au motif de leurs biais idéologiques supposés. Parallèlement, le renforcement récent de l’injonction à l’interdisciplinarité, les pressions croissantes à voir les connaissances scientifiques validées par un « impact » médiatique important et la multiplication des revues et des conférences aux procédures d’évaluation plus ou moins rigoureuses complexifient le paysage scientifique et brouillent la frontière entre les savoirs validés par les pairs et ceux qui passent pour tel. La mode des « canulars » scientifiques rend d’ailleurs visibles certaines failles des savoirs à prétention scientifique en les tournant en dérision.

Les travaux existants tendent à étudier ces évolutions de manière sectorielle. Ce faisant, ils s’approprient fréquemment les grilles de lecture des acteurs de ces secteurs. Par exemple, les études des changements survenus dans le domaine de la médecine analysent souvent ceux-ci en termes de risques posés pour la santé publique par la diffusion des attitudes de « résistances » aux pratiques traditionnelles. De la même manière, les recherches sur les évolutions du secteur du journalisme se focalisent sur les logiques de diffusion des « infox » et sur les effets qu’elles peuvent avoir sur la vie démocratique. Il en va de même pour le climato-scepticisme, fréquemment étudié sous l’angle de sa diffusion et des méthodes qui peuvent être déployées pour la limiter. Ainsi, d’un point de vue normatif, ces phénomènes sont majoritairement lus, dans les publications scientifiques comme dans le débat public, comme des pathologies qu’il faudrait contenir et guérir.

La sectorisation des travaux et leur reprise des grilles de lecture indigènes font écran à la construction de savoirs distanciés. Le pari de cette journée d’étude est qu’en dépit de leurs différences empiriques, ces multiples évolutions peuvent être analysées de concert pour mettre au jour les ressorts d’un processus commun : la dépréciation de la valeur des savoirs légitimes et des institutions qui les produisent. Les contributions partagent ainsi l’ambition de questionner ce qui se joue dans la dérégulation et la remise en cause de l’autorité des grandes institutions qui, traditionnellement, jouent un rôle de consécration et de diffusion des savoirs dans les sociétés contemporaines – telles les sciences ou le journalisme.

Programme

Lundi 6 septembre

9h30 Accueil des participants

9h45-10h45 Conférence inaugurale

  • Thibault Le Texier
    La résistance feutrée des institutions : retour sur la contestation récente de célèbres expériences de psychologie.

10h45-11h Pause

11h-13h Session 1 : « Répertoires d’action et mobilisations des institutions en place »

  • François Allard-Huver
    Le Centre International de Recherche sur le Cancer, une institution contestée ? Retour sur deux cancérigènes controversés, le « glyphosate » et la « viande rouge ».
  • Sébastien Lemerle
    Les neuromythes, cible ambiguë. Une étude sur la lutte contre la dévaluation des savoirs neuroscientifiques.
  • Fanny Parent
    Quelle médecine pour quels médecins ? L’ambivalent positionnement des professionnels de la médecine chinoise en France entre médecine, santé et bien-être.

13h-14h30 Déjeuner

14h30-16h30 Session 2 : « Répertoires d’action et mobilisations des promoteurs de discours alternatifs »

  • Stéphanie Pache
    La contestation féministe des savoirs sur le psychisme (Etats-Unis, 1960-1990).
  • Lucile Dumont
    Stratégies intellectuelles de contestation. La théorie littéraire contre la « critique universitaire » (années 1960-années 1970).
  • Quentin Fondu
    « L’interdiscipline d’aujourd’hui est la discipline de demain » – Pour une socio-histoire de l’interdisciplinarité.

16h30-17h Pause

17h-18h30 Table ronde : « Les journalistes professionnels face aux dévaluations et contestations des savoirs légitimes »
Discussion : Ysé Vauchez

Intervenants : Stéphane Horel, Sylvestre Huet, Eric Lagneau, Sandrine Lévêque

18h30 Cocktail

Mardi 7 septembre

9h30 Accueil des participants

10h-13h Session 3 : « Conditions d’émergence du doute quant aux savoirs légitimes et de l’adhésion de publics à des discours alternatifs »

  • Jeremy K. Ward
    La défiance vis-à-vis des vaccins traduit-elle une perte de l’autorité culturelle de la science ?
  • Benjamin Dubertrand
    « Moi, la permaculture ... je ne sais pas ce que c’est ». La remise en cause de savoirs agricoles et écologiques légitimes dans les expériences néorurales de la moyenne montagne ariégeoise.
  • Cyprien Tasset
    L’hérésie effondriste. Braconnage, autodidaxie et skolê sur fond de dépréciation du « développement durable ».
  • Mégane Erbani et Simon Masséi
    La contestation des études de genre dans les mouvements anti-"ABCD de l’égalité". Réflexion sur les ancrages sociaux du "conspirationnisme".

13h-14h30 Déjeuner

14h30-16h30 Session 4 : « Conditions structurales de la circulation des discours alternatifs »

  • Thibaud Boncourt
    Les conférences « prédatrices » comme terrain d’analyse du brouillage de la valeur des savoirs scientifiques.
  • Julien Larregue, Sylvain Lavau
    « La sociologie n’est pas une science » : les usages de l’evopsy dans le magazine libertarien Quillette.
  • Fabien Carrié
    Les conditions d’une révolution symbolique : Animal Liberation et la remise en cause du monopole savant de la parole légitime sur la « question animale ».

17h Clôture du colloque


Programme à télécharger

Comité d’organisation

Antoine Aubert, Thibaud Boncourt, Jean-Michel Chahsiche, Quentin Fondu, Claire Ruffio, Arnaud Saint-Martin, Gisèle Sapiro, Ysé Vauchez.

Contact : colloquecessp2020 chez gmail.com

Pour assister au colloque en ligne :
https://zoom.univ-paris1.fr/j/99025101277?pwd=SkZNWnErbmpPSVFHMm9obVNTUkkyZz09

ID de réunion : 990 2510 1277
Code secret : 314760